Elle avait quitté le Pays des Merveilles non sans une certaine tristesse. Pour la première fois de son existence, elle s’était sentie vivante, importante. Ce monde était peuplé de fous, mais des fous auxquels elle s’était attachée. Après le départ de la Reine de Coeur, les choses ne pouvaient qu’aller mieux. Elle aurait aimé rester. C’était tentant. Contrairement à Jefferson, rien ne l’attendait à Fairytale Land. Les seuls êtres avec lesquels elle avait vécu étaient ses parents, qui ne l’avaient jamais vraiment aimée. Et il y avait le Ténébreux. Jamais elle n’avait su ce qu’il voulait d’elle, et elle espérait ne pas avoir à le savoir un jour. Elle connaissait suffisamment sa réputation pour savoir qu’il n’était jamais bon d’avoir affaire à lui. Oui, elle aurait aimé rester. Mais elle ne le pouvait pas. La Reine courait toujours, et les habitants de Wonderland comptaient sur elle pour l’arrêter, lui accordant même le port de l’épée Vorpaline. Elle avait reçu un autre cadeau, cette fois-ci de la Chenille bleue : une boussole supposée la guider dans la direction de ce qu’elle cherchait à savoir Cora. Malheureusement, comme elle s’en était rapidement rendue compte, l’objet avait été endommagé par sa traversée à travers le miroir et les directions indiquées plus qu’incertaines.
Elle aurait aimé suivre Jefferson, connaître la petite Grace dont il lui avait tant parlé. Mais elle ne pouvait que lui dire au revoir en espérant que leurs routes de croisent de nouveau un jour, avant de suivre la sienne. La Reine ne serait pas facile à rattraper. Elle s’était immédiatement mise en route, espérant couvrir suffisamment de terrain et réduire la distance qui les séparait. Mais elle avait largement sous-estimer les difficultés de la route. Ses provisions s’amenuisèrent très rapidement et l’argent lui faisait défaut. Au Pays des Merveilles, l’argent n’était qu’une notion aléatoire. On parlait davantage d’échange de services. Si elle souhaitait quelque chose du Lapin Blanc, une montre ou de nouveaux gants lui permettaient d’obtenir ce qu’elle souhaitait. Pour le Lièvre de Mars, une nouvelle théière ferait l’affaire. Pour la Chenille, ce serait de l’herbe à fumer, ou une histoire à raconter, de préférence à portée philosophique. Et la nourriture ne manquait jamais pour qui avait faim, à condition bien sûr de prêter attention à ce que l’on ingurgitait. Les règles en étaient étranges et instables, mais c’était un monde qu’elle avait appris à connaître, bien différent de celui-ci.
Peu à peu, la faim avait sérieusement commencé à se faire sentir. Elle ne pourrait obtenir d’argent sans travailler, mais cela, elle n’en avait pas le temps. Elle ne devait pas dévier de sa route, ou de son objectif. Elle avait tenté de demander aux individus qu’elle croisait ce qu’elle n’avait pas. Elle avait pu constater qu’une mendiante non vêtue de haillons et portant une épée attisait la méfiance plus qu’autre chose, sans compter la manière dont cela heurtait sa fierté. La solution de secours n’était peut-être pas meilleure, mais elle était de loin la plus efficace : voler de quoi se sustenter, à chaque fois qu’elle en ressentait le besoin. Cela s’était avéré bien plus aisé qu’elle l’avait imaginé au départ. Le larcin n’était en soit pas une réelle satisfaction, mais une nécessité qui lui permettait de continuer à avancer, dans l’espoir d’atteindre son but : retrouver la Reine, la mettre hors d’état de nuire, et cette fois-ci pour de bon.
Un voyageur solitaire ne pouvait qu’attirer son attention. Elle l’observa, tapie dans l’ombre. Il faisait bien trop sombre pour qu’elle puisse deviner sa condition à l’aide de la manière dont il était vêtu, en revanche la bourse qu’il portait à la ceinture ne lui avait certainement pas échappée. Si elle parvenait à s’en emparer, elle pourrait jouir d’une réelle tranquillité, au moins durant quelques temps. Patiemment, elle attendit que le voyageur s’endorme, comptant s’emparer de ses possessions une fois qu’il serait plongé dans un profond sommeil. Mais la mauvaise fortune voulut qu’elle pose le pied sur une branche morte. A l’instant où le craquement s’en échappa, elle sut qu’il lui faudrait trouver une toute autre stratégie. L’homme n’était pas idiot, et sa présence avait été détectée.
Profitant de sa petite taille, elle se déplaça furtivement dans l’ombre. Il ne mentait peut-être pas. Peut-être ne lui ferait-il aucun mal, mais elle doutait forcement qu’il accepte de lui donner son argent par pure bonté d’âme. Avec la rapidité d’un petit chat et profitant de la pénombre, elle s’approcha de lui et tira son épée de son fourreau, puis en pressa la pointe entre ses deux omoplates.
« Je vous suggère de lâcher votre arme si vous souhaitez conserver la vie sauve. »Elle s’était placée derrière lui, le capuchon enfoncé sur sa tête de manière à ce qu’il ne puisse voir son visage. Elle espérait que la transaction se fasse sans heurt, mais elle était tout à fait prête à croiser le fer pour obtenir l’objet de sa convoitise.
« Laissez-moi votre bourse et il ne vous sera fait aucun mal. » ajouta-t-elle, reprenant volontairement et de manière ironique les derniers mots du jeune homme.
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