Regina.

Tant de nuits à effleurer le vide. Tant d'heures à contempler l'ennui. Il n'y avait plus de paupières, désormais, pour ces minutes mortelles, folâtres et nocturnes. Il n'y avait plus de battements ensommeillés. Elle était partout. Elle. Son ombre planait comme une épée de Damoclès, comme un long manteau de brume qu'Emma ne parvenait plus à occulter. C'était d'une rare violence, d'une rare intensité lorsque son image envahissait l'espace. Souvent, elle se laissait à penser que son âme possédait la sienne. Cette idée, ô combien pathétique, suffisait pourtant à caresser ses insomnies. Regina. Depuis leur rencontre au Granny, elle avait laissé un gouffre dans lequel la Sauveuse semblait se noyer, inexorablement. Comment en était-elle arrivée là ? De quelle manière l'ancienne Reine avait-elle pu, ainsi, faire son lit en elle ? Cela n'avait aucun sens. Et elle en avait conscience. Le Bien. Le Mal. Le Ying. Le Yang. Tout les opposait. Quand l'une aspirait à l'obscurité, l'autre quémandait la luminosité. Mais, l'horrible nœud au creux de son estomac était bien là, lui rappelant sans cesse l'absurdité de la situation. Regina. Encore aujourd'hui, elle n'arrivait à croire au tressaillement de son être. Était-ce possible qu'elle soit victime d'un sortilège ? Quelques fois, cette hypothèse consolait son éternelle incompréhension. Nier était une chose rassurante qu'elle affectionnait particulièrement. C'était d'ailleurs ce qui la qualifiait le mieux. Longtemps, elle avait réfuté la présence de son fils, son héroïque destinée ou encore l'existence de ces deux célèbres personnages de conte qui, n'étaient autre que ses parents. A croire qu'elle avait un talent, sans doute inouïe, pour rejeter l'évidence. N'était-elle pas une lâche, après tout, elle aussi ? Quelle belle héroïne faisait-elle là, finalement ! Mais comment aurait-elle pu agir autrement ? Toute son existence n'avait été, quelque part, qu'un beau mensonge.

L'air était frais, presque humide en cette douce soirée de printemps. Au loin le soleil déclinait, ne laissant derrière lui qu'une poétique et rosâtre traînée. Quelques passants, encore, arpentaient les rues de Storybrooke çà et là. Qu'est-ce qui pouvait bien animer ces personnalités ? Que pouvaient-elle trouver à ce monde qui, visiblement, se dissociait tant du leur ? Adossée contre la vieille carlingue de sa Volkswagen Coccinelle, Emma les contemplait. Elle n'aurait su dire, exactement, ce qui l'avait poussé à se rendre jusqu'à la mairie. Était-ce le manque ? Ou peut-être cet étrange désir de vouloir en avoir le cœur net ? Cependant, elle ne franchit pas immédiatement le seuil du bâtiment. En effet, son regard ne cessait d'osciller entre les immenses portes menant au hall, et les visages expressifs des habitants. Elle ignorait ce qu'elle cherchait en se raccrochant à leurs traits, juvéniles, pour la plupart. Un soupçon de courage, peut-être ? Un soupire, un énième, lui échappa, tandis qu'elle se tournait finalement vers l'énorme bâtisse qui, semblait lui faire front.
- Courage Swan, s'entendit-elle alors souffler.

Était-ce du courage, ou de l'inconscience ? Là encore, elle n'aurait su réellement le dire. Au fur et à mesure que ses pas réduisaient la distance entre elle et Regina, son palpitant s'emballait davantage. Elle inspira profondément, pria un Dieu auquel elle n'avait jamais cru mais, rien n'aurait su apaiser l'affolement de ses craintes. Elle n'avait pas revu l'ancienne Reine depuis cette déroutante altercation au Granny. Alors, qui pouvait savoir de quelle manière cette dernière allait l'accueillir ? Bien entendu, Emma ne s'attendait pas aux grandes effusions mais, naïvement, il lui semblait qu'une certaine intensité était née entre elles. Il fallait admettre que, l'étreinte qu'elles avaient plus ou moins échangé n'était pas anodine. Du moins, elle l'espérait secrètement.

Durant quelques minutes, Emma écouta ce qu'elle devinait être des bruissements de feuilles. Elle déglutit, la tension désormais à son comble, puis osa tout de même toquer à la porte légèrement entrouverte.
- Re... Regina ?
Passant timidement sa petite tête blonde dans l'embrasure, la Shérif ne parvint qu'à adresser un rictus peu assuré.
Regina. Cela faisait longtemps. Trop longtemps.

EN COURS